K NET , les éditos...
Illustration par Jiho
Numéro 5

EDDY THAUX, T'ES LAID !

Dans dix, voire vingt, voire trente, voire quatre ans, votre K.NET adoré - et adorable - aura sans doute perdu les atouts qui font la force de sa forme et de son fond de tiroir :

- 120 pages quadrichromiées, poster, filles nues, sponsorisé par les 12 ministères européens de la culture, se vendant chaque fois à 2.000.000 d'exemplaires (EXEMPLAIRE !).

Eh oui, si la Société continue comme ça, ou même comme ci, le K.NET de l'an 2000 ne comprendra plus que seize pauvres pages en noir et blanc, vendues à la sauvette à LEIPZIG et au TEMPO ; et à BUCAREST, sous le manteau, pour ceux qui pourront encore s'offrir des manteaux.

La raison de ce pessimisme ? Elle est petite, cathodique, d'un format de 31 à 72 cm, abritant en son sein autant de fous que la version longue de ''VOL AU DESSUS D'UN NID DE COUCOUS'' : La télévision.

Je sais ce que c'est, je la regarde !

Ravageant tous sur ses passages, elle rend les enfants pas sages, et les parents complices. Pas tous, bien sûr !

Ses animateurs inanimés sont des clones, se reproduisant en génération spontanée. Pas sur toutes les chaînes, bien sûr !

Non, le tableau n'est pas aussi désespérément, lugubrement noir qu'il en a l'air : à peine 99,7 % de la télé sont touchés.

Un récent sondage, effectué entre 16 H et 17 H 30 par l'Institut RAKOL, le prouve. Et oui... A la question, la télévision a t'elle modifié votre style de vie, ces soixante dernières années...

- 88 % des personnes interrogées ont immédiatement donné leur date de naissance. Et demandèrent quand aurait lieu le tirage...
- 6 % des époux ont déclaré ne plus avoir assez de temps pour battre leur femme.
- 2 % ont répondu : pas mieux.

Quant aux cent opinions, ils n'avaient pas d'opinions sur autre chose que leur walkman. Alors que faire ? Se plaindre, écrire à TÉLÉ 7 JOURS, au catalogue de LA REDOUTE ? A moi ?

Non mieux vaut ouvrir les yeux. Ou plutôt savoir les fermer.

Pierre Gaffié
Illustration par Boem
Numéro 7

VIVENT LES FEMMES, VIVE JEANINE, VIVE MOI. . .

Résumons nous : On dit le chien, la chienne (c'est assez vulgaire). Le chat, la chatte (c'est carrément dégueulasse). Le chef du personnel, la secrétaire (sans commentaire).

Depuis bientôt 2000 ans que la belle Eve a croqué la pomme pôm, rien n'a changé pour les femmes. Désespérément, elles restent cataloguées dans vos esprits, bande de phosphates goujats, en :

BAISABLES : je n'ai pas besoin de m'étendre, laissez libre cours à votre imagination phantasmatique. (Vendeuses ou caissières à MONOPRIX, à défaut d'autre chose).
BONNES : Pauvre catégorie de femmes laissées à la cuisine ou au lit !
BOUDINS : Elles ne mangent pas de pain (hors-concours). Remarquez, il paraît que les hommes préfèrent les grosses, on peut toujours se consoler...

Aussi les bonnes, les baisables, les baisées et les cageots dont on ne parle jamais s'unissent pour vous dire messieurs,

- A quand les subventions de grossesses,
- La grossesse à 6 mois, (après protestations, à 3 mois),
- Les stérilets pour les hommes,
- L'abolition des tailleurs Marcelle Griffon. . .

Tant de vastes problèmes auxquels nous, les femmes, devrons trouver des réponses ailleurs que dans la rue.
Alors, émus ? Non ?

Lisez K. NET

Nana, 1991
Illustration par JM Pailler
Numéro 8

L'angoisse métaphysique ne date pas d'hier. Longtemps, l'Homme s'est enlisé dans de vaseuses considérations philosophiques afin de se prouver que, s'il est descendu de l'arbre, ce n'est pas seulement parce qu'il avait le vertige.

Si, pour son malheur, il devenait lucide, que pourrait-il faire ?

- affirmer sans rire ­ avec quelle ironie désespérée ­ que Bruel est un grand parolier ?
- Se suicider lentement demi-sourires, d'espoirs déçus, de produits allégés ?
- Regarder 7 sur 7 uniquement pour les formes d'Anne Sinclair, en se disant qu'elle ferait mieux de poser ses questions avec son cul ?
- Réaliser enfin que Bedos est moins drôle que Sophie Daumier ?

Las ! voici K.NET nouvelle formule : des mots en plus des images. Grandiose métamorphose ! C'est un peu comme le passage du cinéma muet au cinéma parlant.

Evidemment, nouveau peut apparaître comme un mot grossier après les nouveaux philosophes (qui semblent avoir attrapé le doute existentiel sur des WC malpropres), le nouveau Libé (qui s'adresse aux ex-soixante-huitards que les chèvres ont fini par dégoûter et qui se mettent aux brebis), la nouvelle droite (qui est plus conne que l'ancienne qui était déjà la plus conne du monde), la presque défunte Truffe (qui avait ciblé, comme lecteurs potentiels, les animateurs pour centres trisomiques qui exercent nus sous leur imper).

Les exemples foisonnent mais, ami lecteur, je te sens lassé de ma prose ; déjà tu soulèves la page de l'éditorial pour voir ce qu'il y a dessous, avec la même excitation anxieuse qui guide tes gestes lorsque tu entrouvres les cuisses roses et accueillantes d'une jouvencelle en mal de pénétrations.

Il ne me reste donc qu'à m'effacer pour te laisser ravager à ta guise ces pages de ton regard critique. Vas-y sans crainte, en des temps troublés ; feuilleter K.NET est une des rares choses que l'on peut faire sans prendre ses précautions. K.NET, le seul journal que l'on peut lire sans préservatif.

Trismus
Illustration par Chesnogood
La grappe...

Numéro 9

Eh bien voilà.

Ce qui devait arriver est arrivé : K NET a remporté le prix du festival « Scoop en Stock » de Poitiers. Ce trophée, nous l'appelons la Grappe (ce n'est pas le fruit d'une imagination débordante de notre part, puisque le dit trophée a réellement la forme d'une grappe de raisin censée représenter l'abondance de talents mis au service de K NET.

Bien sûr, depuis que nous avons reçu cette récompense, notre vie a changé (comment pourrait-il en être autrement quand, cloportes habitués à l'obscurité de l'underground, nous voici soudain précipités sous les feux brûlants de l'actualité).

Maintenant, c'est en notables que nous déambulons, bras dessus, bras dessous, à pas comptés, à travers la ville, le regard fier, le geste ample, le verbe haut. Les gens nous reconnaissent de loin et s'écartent sur notre passage en ôtant leur couvre-chef. Les îlotiers nous saluent bas ; dans leur regard presque humain, la réprobation a fait place à l'obséquiosité: célébrité !

Notre existence quotidienne s'est transformée : nous touchons enfin le R.M.I ! Il faut dire que pour remplir les formulaires, nous avons emmené la grappe avec nous et, talisman inégalable, elle a transfiguré la préposée qui hier encore, acariâtre et renfrognée, s'est montrée aimable et souriante. Sans cesser de mirer sa mine réjouie sur la surface argentée de la grappe, elle s'est empressée de nous donner satisfaction. Il est vrai que les femmes nous vénèrent ; hier encore laids et maladroits avec elles (surtout Ka), nous voici devenus les « Bruels » de la B.D. Il me faut préciser que beaucoup de celles qui tombent dans nos bras comme des fruits mûrs (nous n'avons plus à secouer l'arbre) prennent la grappe pour un hommage à nos prouesses sexuelles. Une seule ombre, mais si légère à ce tableau idyllique !

En vérité, rien : nous éprouvons de remarquables difficultés à nous séparer de la grappe ; une sorte d'attachement proche de l'empreinte courante chez les volatiles, nous lie à elle. Nous l'emportons dans nos déplacements, elle siège à la place d'honneur de notre table, nous lui parlons longuement d'une voix douce et la caressons souvent. Pour tout dire, personne n'accepte de l'abandonner entre les mains d'un autre membre de l'équipe. C'est pourquoi, depuis que nous l'avons reçue en partage, nous ne nous quittons plus. Chesnogood va jusqu'à dormir avec elle, arguant des privilèges aristocratiques que devrait lui procurer un arbre généalogique compilé par ses soins (qui nous paraît, à nous, aussi crédible que celui de Valéry Giscard d'Estaing). Et lorsqu'il s'enferme avec la grappe, nous, tapis dans la salle à manger mitoyenne, nous ne fermons pas l'oeil de la nuit, occupés que nous sommes à guetter le moindre son en provenance de sa chambre afin d'intervenir si, d'aventure, il lui prenait l'envie de se livrer à quelque acte condamnable à l'encontre de la grappe.

Car, enfin, pourrait-il exister forfait plus impardonnable, plus sacrilège, que le viol d'un symbole sans défense ?

Trismus
Hors Série Numéro 1

Départementale 37. Près d'un champ de colza, entre Réserve de Chasse et signal « Attention Enfants », trois hommes m'arrêtent. On ne peut donc pas faire un pas ? Je ne comprends pas. D'autant que j'ai beau vérifier, je suis à pied.

Comme je n'ai pas bu, je n'ai pas peur.

Le premier me tend une vierge feuille de papier : « Ecrivez ». Je continue mon chemin. Je n'ai jamais aimé les feuilles blanches.

Un autre lascar surgit avec sa perche de micro. Je le détourne et continue mon chemin.

Quand un troisième larron me prend dans la mire de son caméscope. Il hurle : « Parlez ». Stoïcissique, je continue d'honorer la D37.

D'un fossé sort un costume. Sur son badge, « Sony. PDG ». Que me veut-il ? Me montrer sa nouvelle invention : un appareil qui, immédiatement, va enregistrer mes paroles et les graver dans un disque laser, en vente dès demain au megastore d'Aurillac...« Parlez ! » dit-il. Je le regarde, je pense à sa femme et aux Garçons-Bouchers. Inaugurer son appareil ? Entrer dans la postérité sur la D37 ? Je réfléchis... OK, après tout, rien de plus simple ! Je parle très souvent. Je remue les mots dans ma bouche, les trie, les malaxe et les broie. C'est bon, j'ai les mots. Parbleu ! Et les idées ? Je les avais oubliées celles-là...

Le costume impatient me presse : « Les disquaires attendent votre livraison, la PLV est déjà en place... Allez, parlez ! Quelle est votre première volonté ? »

Ma première volonté ? Je m'évanouis sur la D37.

Dans la nuit, une cycliste me réveille. Elle est blonde et me relève : « Et votre édito pour K-NET ? » Je pique son cycle et pars sur l'autoroute.

Pierre Gaffié
Hors Série numéro 2 (1992..)

L'heure est grave ! Ça y est ! Dans deux mois, c'est fait ! Dans deux mois, que Dieu ou les patriotes le veuillent ou non, dans deux mois, nous serons en Europe !

D'ailleurs vous ne vous en rendez pas compte, mais cet edito est écrit en européen ! vous comprenez ce qui est écrit ? alors vous comprenez l'européen ! Alors, qu'est ce qui va changer ? Tout ! c'est à dire rien !

Les pro-europe diront : rendez-vous compte ! à partir de 93 on draguera en flamand et on baisera en catalan ! Les contres répondront ; avant on baisait autant, mais on parlait moins !

Moi, je ne le cache pas, j'ai voté « oui pourquoi pas » après avoir voulu voter « non mais faut voir... » c'est que ça mérite réflexion !

Dire oui à l'europe, c'est dire oui à l'Allemagne, oui à ses Mercedes arrogantes qui doublent nos voitures françaises sur des autoroutes françaises construites par des arabes français ! Alors l'Europe, oui ! mais sans les boches !

Faisons-la entre latins... Les anglais, les italiens, les espagnols... Quoique les anglais... Des mecs qui roulent à gauche avant l'apéro !?! Alors l'Europe oui ! mais sans les rosbifs !

Restent les espagnols... lesquels, à part le flamenco n'amènent rien dans la corbeille... et encore... les Gipsy Kings sont de Nîmes ! l'Europe oui ! mais sans l'Espagne !

Faisons-la avec l'Italie ! Bien sûr, me direz-vous, ils ont des Ferrari... à cela, je répondrai : « Les Ferrari doublent aussi les Mercedes et ça fout les boules aux boches. et « un boche qui a les boules, c'est un français qui revit ! ».

Comme vous le voyez, ça va pas être simple ! Et bien si ! On va la faire l'Europe ! Avec une grande capitale et un monument reconnaissable dans le monde entier. Je propose une tour en fer triangulaire, avec une langue riche et chantante, qui appelle un chat un chat, et pas un gato ! Et un président qui aurait pas un prénom de pédé, je propose Francois.

Vous voyez bien que dès qu'on s'asseoit aux quatre coins d'une table ronde, on trouve des solutions !

Lecteur de K.Net, lucky lecteur de K.Net, en vérité je te le dis : tu es en train de lire le premier bouquin escrit en européen ! tu me crois pas ?!? regarde bien ! les dessins tout le monde comprend. C'est bien la peuve qu'aujourd'hui, on parle européen comme naguère faisait de la prose monsieur jourdain.

Eric Carrière, Chevalier du Fiel
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